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LE SAVIEZ-VOUS ?

#1 - Entreprises engagées! Nicolas Conraux, passeur vers un futur durable

Entretien avec Nicolas Conraux, Chef et co-propriétaire de La Butte, ensemble hôtelier établi à Plouider, Finistère (29). Une entreprise authentiquement engagée dans la transition énergétique !


La Butte est ce genre d’endroit rare dans lequel on se sent immédiatement bien. Il y flotte une atmosphère à la fois détendue et chaleureuse qui vous enveloppe et vous donne envie de revenir, le plus vite possible. Etablis à Plouider en Nord-Finistère, Nicolas et Solène Conraux-Becam sont à la tête de cet établissement : un hôtel, un restaurant gastronomique, un bistrot, un spa, une épicerie et depuis peu une boulangerie… zoom sur un lieu pas tout à fait comme les autres.


Un terrain d’essais et d’innovations permanents


Depuis 2 ans que nous les connaissons, les équipes de La Butte multiplient les projets et initiatives. En tant que clients nous avons commencé par suivre l’évolution du brunch dominical, qui a complètement réinventé sa carte, vers des recettes certes typiques du terroir littoral breton, mais avec une fidélité remarquable aux produits régionaux. Exit donc le jus d’orange par exemple, remplacé par un jus de pomme voisin. D'ailleurs, nous avons également découvert avec plaisir les nouveaux jus de fruits et légumes produits minute grâce à l’extracteur de jus. Les galettes et crêpes cuits sur les biligs devant nous, les poissons fumés et terrines maison, bref tout un arsenal de plats, pâtisseries, fromages, et boissons, le tout majoritairement sourcé en Finistère.


Nous avons ensuite noté le changement de propriétaire de la boulangerie de l’autre côté de la route, rebaptisée ‘le Fournil de la Butte’. Nouvelle annexe de l’établissement hôtelier, qui faisait déjà ses pains maison mais a décidé d’agrandir son atelier. Résultat : 100% des pains sont faits à partir de levain, pas de tartes aux fraises hors saison (juin) malgré la demande des clients dès mars, et un rayon épicerie fournissant beurres, œufs et plats cuisinés… locaux bien sûr.

Est apparue ensuite une jolie serre en bois près du bâtiment principal de l’hôtel, jouxtée de quelques buttes permacoles, des menus bocaux à emporter pendant le confinement, des box spécial Brunch les dimanches, pour la Saint-Valentin … Il semblerait que rien n’arrête l’imagination de Nicolas Conraux… Il ne nous en fallait en tous cas pas plus pour avoir envie de rencontrer l’homme derrière tout ça… Retour sur un échange authentique.


ParadigmShift (PS) : Bonjour Nicolas Conraux, vous êtes Chef des restaurants et co-propriétaire de l’établissement La Butte. Nous avons cru percevoir un certain engagement local, social, écologique… qu’est-ce qui vous anime exactement ?

Nicolas Conraux (NC) : Cet engagement écologique, ce n’est pas quelque chose que j’ai depuis toujours … J’ai eu une vie un peu spéciale, mes parents voyageaient beaucoup, j’ai habité dans l’Océan indien, aux Antilles, en Alsace … j’ai eu la chance d’être exposé à des personnes et des environnements très différents. Aujourd’hui cela fait 20 ans que je suis établi ici en Finistère, et nous avons la chance de vivre dans un environnement qui n’est pas encore trop dégradé : les paysages sont assez verts, la mer n’est pas trop polluée … cela peut être difficile de réaliser à quel point il est important et urgent de changer certaines choses. Pourtant ces 5 dernières années, à travers plusieurs voyages qu’on a pu faire en famille, j’ai vu à quel point l’environnement a pu se dégrader, avec des endroits non seulement sales mais aussi très pollués. Et cela m’a profondément affecté, je me suis demandé ce que je pouvais faire à notre niveau.


En parallèle, humainement, quand j’ai commencé dans l’hôtellerie, je ne voulais pas aller en cuisine. J’avais fait des stages et vous savez ces scènes qu’on a pu voir, avec des chefs de cuisine médiatiques qui hurlent sur tout le monde ? C’était horrible, et humainement une vraie catastrophe. Et c’est encore d’actualité. Pourtant quand on a racheté l’établissement en 2007, je me suis dit que je pouvais être chef, mais à ma manière. Et comme du coup je n’étais pas très fort techniquement, j’ai essayé d’apprendre, humblement, aux côtés de mes équipes. Naturellement cela m’a amené à utiliser des produits d’exception, qui me facilitaient la tâche en cuisine puisqu’une grande partie de l’effort niveau goût était déjà fait! Et c’est cette démarche d’apprentissage qui m’a fait évoluer dans une vraie culture de produits, souvent locavores mais pas uniquement, mais en tous cas produits avec sens par des producteurs de confiance. Si je peux aider à faire vivre une communauté, des familles, je le fais avec plaisir.



PS : Concrètement, comment se traduit cet état d’esprit au quotidien ?

NC : Globalement, nous essayons de bien-faire et de rester cohérents. Par exemple, pour les produits d’accueil que l’on trouve traditionnellement dans les chambres, nous travaillons à l’élaboration de savons avec 2 personnes dans le Finistère qui produisent les savons de A à Z, qui les emballent eux-mêmes, dans un papier ensemençable, avec une encre végétale qu’ils produisent également… donc on va jusque-là dans le souci du détail ! Nous sommes aussi allés chercher certains de nos verres auprès de Lucile Viaud qui les fabrique en réutilisant les coquilles d’ormeaux, ou certaines de nos assiettes en bois, fabriquées à partir de bois récupérés auprès de vieilles maisons du coin démolies, par Camille, de La Maison Rivages. Nous cherchons vraiment à faire travailler les talents, à être une vitrine pour les produits, les artisans.


Dans les cuisines, nous sommes très vigilants sur le recyclage, nous essayons de réduire les produits jetables, à usage unique, ainsi que le plastique. Par exemple on a introduit des bocaux en verre plutôt que d’utiliser des contenants en plastique, des bee wraps (NDLR : toile de coton enduite de cire d’abeille), qu’on essaye de fabriquer nous-mêmes à base de vieux draps et de cire fournie par un des apiculteurs avec lequel nous travaillons, en remplacement du film alimentaire … on va cuire à la vapeur ou laisser reposer les viandes plutôt qu’utiliser les techniques sous-vides à sachets plastiques à usage unique.

Côté bâtiment, des études sont en cours pour voir comment remplacer la chaudière à fioul par une chaudière à bois . Les terrains sont travaillés en agroforesterie et nous augmentons la plantation d’arbres, de fruits… Nous refusons également d’installer une climatisation, même si cela veut dire que nous n’aurons jamais une cinquième étoile puisque les clims sont obligatoires pour en avoir une, mais notre bâtiment étant exposé plein sud, nous cherchons des solutions pour le rafraîchir naturellement l’été, en plantant des arbres par exemple. Donc l’idée c’est vraiment de faire vivre les surfaces autour de nous, d’incarner un équilibre entre notre vocation d’établissement commercial et un respect du vivant sur le long-terme. Je pense vraiment qu’il s’agit de l’hôtellerie de demain, de travailler à une transformation globale de nos métiers, des talents, de créer un écosystème vertueux avec nos fournisseurs, nos clients, où tout le monde est gagnant.

PS : Comment réagissent les clients à toutes ces initiatives ?

NC : J’estime que notre premier devoir, c’est de les informer, de les mettre au courant de notre démarche et de leur proposer des alternatives. Et honnêtement, quand on fait cela, qu’on prend le temps de leur expliquer ce qu’on fait et pourquoi, les clients adhèrent à 99%.

Nous avons une étoile Michelin, qui correspond à certains standards pour nos clients, et c’est vrai que nous prenons des paris, car avoir des serveurs en baskets faites en plastique recyclé, ou se faire expliquer qu’il n’y a aucun soda, type Coca-Cola, dans l’établissement, peut ne pas passer pour certains. Mais nous faisons le choix de donner du sens, d’être dans une cohérence du lieu plutôt que de coller à certains standards, parfois un peu dépassés. Nous travaillons d’ailleurs avec une consultante, Laetitia Debeausse, qui nous aide beaucoup dans cette démarche. Dans cet esprit nous avons complètement repensé l’accueil, que les clients vont bientôt pouvoir découvrir, et nous espérons pouvoir commencer à travailler sur l’espace bien-être par la suite, pour le réinventer avec encore plus de sens.

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